LES MINES DE LA VOULTE*

Compte rendu de lecture, rédigé par Jean Nicolas
* autre orthographe : Lavoulte

Les mines de La Voulte furent découvertes il y a bien longtemps, puisqu’en 1762, Jean-Louis Touzet, curé de La Voulte disait : « Nous croyons qu’il y a sur notre territoire des mines de "vernis". Il y a de la couperose et dans un quartier, il y a une espèce d’ocre ou "crave " rouge, que les pauvres viennent ramasser pour vendre ».
En 1773, le naturaliste Gensanne soupçonne qu’il pourrait y avoir une mine de fer dans le quartier St. Nazaire. Il découvre également à une demi-lieue, une source d’eau acidulée au lieu appelé Sélés (Celles).
Un autre savant allait s'occuper plus soigneusement de cette découverte et son intervention devait être efficace. C'était Faujas de Saint Fond, attaché au Muséum d'histoire naturelle.
La première préoccupation fut de trouver l'énergie nécessaire pour exploiter et transformer le minerai. Des recherches furent faites pour trouver du charbon dans la région, notamment à Cressac (Creyssac 07), où l'on découvrit une tourbe charbonneuse de mauvaise qualité, et on abandonna l'exploitation. Des recherches furent faites également dans la montagne de Crussol où l'on avait découvert des indices. Finalement, le charbon fut "importé" de Rive de Gier.
On pensa détourner l'Eyrieux à la Voulte et faire une chute d'eau, mais les indemnités demandées par les propriétaires firent renoncer. Cette chute, on la fera mais avec l'eau du Rhône, et par-là même, aménager un port dans le quartier Montplaisir.
Une société fut créée le 9 prairial de l'an IV (28 mai 1796).


Pour garder le savoureux langage de l'époque, je préfère transcrire intégralement la description de la mine qu'en fit Mr. D'Hauteville :
« La mine est située au couchant de Lavoulte, à 700 toises (1 364 m) de cette cité et du Rhône. Elle est environnée au midi par des montagnes de pierres à chaux. Au nord, elle est appuyée sur la base des hauts monts de granit qui s'élèvent jusqu'au Gerbier de Jonc, et aux sources de Loire. De ce côté, elle touche à des schistes micacés provenant des quartz; de l'autre, elle eut un contact avec des schistes gris, calcaires, de manière qu'elle est comme un grand terme rouge avec ses gardiens placés par la nature pour séparer les substances calcaires des granitiques.
Le ruisseau de la Bachasse, qui se joint au Rhône dans Lavoulte, coupe à 700 toises de là, au couchant, le pied de la mine. Cette coupure faite par les eaux du ruisseau a été augmentée par les Arcaneurs; ce sont des mendiants qui, ne pouvant atteindre à aucune autre industrie, viennent arracher des morceaux de filon tendre propre à marquer les moutons, qu'ils appellent arcanes, et qu'ils vendent pour cet objet aux marchands de bêtes de laine.
C'est dans cette excavation que les minéralogistes ont reconnu une belle mine de fer. C'est dans ce même lieu que nous avons recueilli sans choix, moitié tendres, moitié dures, les pièces de minerai sur lesquelles on a essayé. C'est là encore, que les naturalistes peuvent découvrir quelques vérités sur la formation des mines en considérant l'organisation en grand de celles-ci. On la voit formée de gros filons juxtaposés les uns sur les autres, alternativement tendres et durs, épais de 10 à 12 pouces (0.27 m à 0.32 m), se joignant fortement ensemble. On voit chacun de ces filons penchés de l'Ouest à l'Est, suivant la même direction et les mêmes inclinaisons que les couches calcaires environnantes, ce qui semblerait annoncer qu'ils ont été produits par les mêmes effets des eaux chargées cependant de dissolution différente.
De cette grotte métallique, située dans la Baissine formant le pied visible de l'hématite, cette mine s'étend au couchant jusqu'à Viaud, court dans des hermes, des champs, elle descend dans la terre plus bas que le point où on la découvre dans le ruisseau. Au puits des Fées, on voit un assez gros filon d'hématite incliné et coloré de même que les autres.
Le filon du Colombier, à l'Est de la mine, annonce qu'en outre de son ensemble, elle a des rameaux. Cette vérité est encore démontrée par les eaux ferrugineuses de Celles, par les hématites de Cressac, de Chomérac, et tout annonce qu'elle a été ouvrée en grand comme les autres dépôts de la mer.
Cette immensité extérieure du minerai découvert à tous les yeux, doit éloigner la crainte de la voir tarir. Mais si cette pensée se produisait encore chez quelqu'un de nous, on peut l'enhardir par les considérations suivantes : la mine basaltique limoneuse du Jeu de Mail, près de Lavoulte, située à un quart de lieue à l'Est de l'hématite et sous la montagne de la Trainière, annonce un grand écoulement ferrugineux, et, par conséquent de grands filons gisant au-dessus. Les eaux minérales de Celles, les plus martiales de nos contrées, coulant à une demie-lieue en delà de la mine, sur un sol très rapide, indiquant que le fer va jusque là.
Le pied de la mine est élevé au-dessus du niveau du Rhône dans les eaux moyennes de 198 pieds, 8 pouces, 9 lignes (64 m 546) au-dessus de la mer Méditerranée de 250 pieds (81 m50).
L'hématite est très attirable à l'aimant, mais elle le devient beaucoup lorsqu'elle est grillée. Elle fait feu avec le briquet, se dissout bien dans l'eau régale, dans l'acide marin. Elle prend sur la meule de grés un très beau poli et alors elle laisse voir dans sa surface la tranche ouverte d'une infinité de tubes dont elle paraît composée ».


Une demande de concession pour l'exploitation de la mine a été adressée au Gouvernement sous la dénomination "Concession AZEMAR fils en 1794". Elle fut accordée le 20 messidor de l'an II de la République (8 juillet 1794) pour 50 ans. Elle s'étendait sur 101 kilomètres carrés. On considérait à l'époque que c'était une mine riche. Son rendement était dans l'hématite de 50 à 55 %, dans le minerai schisteux de 15 à 25 %.
Une première usine devait être bâtie sur la route de La Voulte au Pouzin, au lieu-dit : La Cabane. L'emplacement se révéla trop petit. Une deuxième fut construite à côté du château, qui comprenait quatre hauts fourneaux. En 1845, deux hauts fourneaux supplémentaires furent mis en exploitation; on y traitait également le minerai exploité à St Priest, environ 30 000 T/an, et employait, 1 600 ouvriers pour l'usine et 200 pour la mine de La Voulte.
On fabriquait les pièces de moulage en fonte, ponts, balanciers, molettes, roues, etc. ... mais les principales étaient celles des projectiles et des tuyaux. Cessation d'activité en 1889.
Pour la fabrication des obus pesant 18 kilos, il fallait par 100 obus, sachant que l'on en faisait 45 par jour, 26 hommes :
         1 homme pour préparer la sable
         2 mouleurs
         2 aides mouleurs
         1 mouleur de barreaux
         1 serreur de ceinture
         1 rhabilleur de lanterne
         1 noyauteur
         1 homme pour mandriner
         1 homme pour dresser les lanternes
         1 chauffeur d'étuve
         1 videur de noyaux
         4 ébarbeurs
         1 aléseur
         1 taraudeur
         2 hommes à la recette
         2 porteurs de fonte
         2 hommes au cubilot
         1 empailleur


      "MINES ET FONDERIES DE LA VOULTE"
      de l'Abbé Auguste ROCHE
      publié en 1896
      imprimerie des sourds-muets à Saint Etienne